Mauraz,
mini commune du pied du Jura
Au confluent
du Morand et du Veyron, caché dans le vallon, voici Mauraz,
un village invisible et ignoré.
Le trafic qui monte vers l'Isle et la vallée de Joux contourne
Mauraz soit par l'axe Pampigny - Villars Bozon - L'Isle, soit, à
l'Est, par l'axe Chavannes-le-Veyron - L'Isle.
Ce n'est que les week-end d'été, que quelques rares
promeneurs, cyclistes ou cavaliers découvrent Mauraz. Pendant
la saison, les truites des cours d'eau et les champignons des bois
de Pampigny tout proches attirent quelques connaisseurs dans ces
environs. Les habitants ne se plaignent guère de cette tranquillité
somme toute très agréable.
Peu de
passants réalisent probablement que ce village d'une superficie
de 48 hectares, avec ses 37 habitants, est une commune indépendante.
Malgré
sa taille miniaturisée, Mauraz comporte deux quartiers bien
distincts. On est du haut ou du bas du village. Le lien entre les
deux quartiers est fait par la chapelle construite en 1944 à
l'emplacement de l'ancienne école, fermée en 1920
et démolie en 1933, et plus récemment par un abri
Protection Civile qui sert également de salle communale.
Une
économie liée à l'eau
Mauraz
" ville d'eau ", c'est au Morand que la commune doit son
existence. Ce ruisseau, aux eaux abondantes avant que les services
industriels de Morges n'en captent ses sources sous Montricher,
actionnait à Mauraz deux moulins, un battoir et une scierie.
En cas de besoin, des captages supplémentaires sur le Veyron
et la Malagne, à la hauteur du terrain d'aviation de Montricher,
permettait d'apporter un complément d'eau pour faire tourner
les " industries " de Mauraz.
Les ressources
hydrauliques, le plus ancien droit d'eau date de 1685, ont définitivement
façonné la commune de Mauraz et ses habitants. Alors
que ses voisines proches, L'Isle, Pampigny, Montricher, Cuarnens
ou Chavannes-le-Veyron vivaient des exploitations agricoles et de
la forêt, Mauraz avec ses 48 ha de superficie et sans propriété
forestière était solidement lié à ses
industries.
Depuis
plus de trente ans, l'eau ne fait plus tourner aucune roue à
eau, ni turbine à Mauraz. Les deux dernières étaient
la scierie et le moulin situés sur le Croset. En 1972, le
moulin a fermé ses portes. La scierie a poursuivi ses activités,
avec l'énergie électrique, jusqu'au terrible incendie
qui a détruit scierie et habitation en 1997.
Alors que les
quatre exploitations agricoles qui existaient au siècle dernier
ont pu se maintenir, avec un degré d'activité variable,
les métiers de l'eau et l'artisanat ont disparu de la commune.
Aujourd'hui sur les 17 ménages, 5 tirent toujours l'essentiel de
leur revenu de l'agriculture. Les revenus des autres proviennent partiellement
d'une activité indépendante, exercée par les hommes
alors que la plupart des femmes se déplacent quotidiennement dans
le cadre d'un emploi dans le secteur tertiaire. Sur les 17 ménages,
12 sont propriétaires de leur habitation.
Un
peu d'histoire
Dès
le Moyen Age, Mauraz dépendait de Montricher et du couvent de Romainmôtier.
Le 28 décembre 1719, une concession du seigneur de Montricher autorisa
les habitants de la localité à "faire une association
de communiers". Il est rare que l'on puisse donner ainsi la date
de naissance exacte d'une commune rurale de notre pays. A la fin de l'époque
bernoise, en 1764, Mauraz obtint son indépendance communale.
Un
environnement préservé
L'absence
de trafic de transit, un développement qui se limitait jusqu'à
tout récemment à la mise en valeur du patrimoine construit
existant, la présence des deux cours d'eau et des vastes étendues
forestières voisines, ont fait qu'à Mauraz l'environnement
n'a guère souffert du développement de l'Ouest lausannois
pourtant tout proche. Les Mauraziennes et Mauraziens ont envie de préserver
cet environnement, préservation qui ne les gêne en rien dans
leurs activités économiques.
Cette quiétude presque idyllique de la vie villageoise est pourtant
mise à dure épreuve aujourd'hui par un nombre croissant
de défis, difficilement gérables par une commune d'une quarantaine
d'âmes.
Une
viabilité momentanément assurée
Comment une
petite commune comme Mauraz arrive-t-elle à survivre ? La question
ne manque pas d'être posée chaque fois qu'on présente
le village. Grâce à un engagement et une solidarité
entre les habitants qui se connaissent tous, Mauraz a toujours pu pourvoir
les postes nécessaires à ses institutions communales : effectivement,
rares sont les familles dont au moins un membre ne remplit quelque fonction
communale.
Du point de
vue financier, direz-vous, ça ne peut pas tenir longtemps. Une
gestion très économique de nos prédécesseurs
à la municipalité, l'engagement des habitants et des charges
très modestes ont permis à Mauraz de conserver un taux d'imposition
relativement bas, tout en constituant une petit bas de laine appréciable.
En lieu et place d'un endettement net moyen de plus 1'800 frs par habitant
pour l'ensemble des communes vaudoises (sans Lausanne), chaque Maurazienne
et Maurazien est "détenteur" de 8400.- frs d'économies.
Aujourd'hui, après avoir cédé 26 points d'impôt
à l'Etat, nous maintenons pour les deux années à
venir un taux d'imposition communal de 55 points.
Néanmoins,
le temps n'est pas à la jubilation, nous savons que cette situation
peut dramatiquement changer avec la mise à jour de nos infrastructures
communales, l'entretien du réseau d'eau ou encore le raccordement
à une STEP.
L'année
dernière, le conseil général, sur proposition de
la municipalité, a décidé la rénovation des
deux fontaines du village. Deux nouveaux bassins en pierre ont trouvé
place sous une belle charpente couverte avec des tuiles anciennes : ils
remplacent les anciens bassins en béton sous leur abri en tôle
ondulée . Grâce au fait que la municipalité a mis
la main à la pâte et grâce à la bonne volonté
des artisans de la région, les budgets ont pu être respectés
et nous attendons avec impatience la fête d'inauguration des fontaines
de Mauraz, prévue pour ce printemps.
Les défis
viennent en partie de l'intérieur de la commune, mais sont plus
souvent liés à des facteurs et des développements
sur lesquels la commune n'a pas, ou plus, de prise.
A la fin de la dernière législature déjà,
l'ancienne municipalité ayant mené les affaires communales
pendant deux législatures, a démissionné. Allait-on
reconstituer une municipalité ou demander le rattachement à
une commune voisine ? Cette question a été débattue
en conseil général. Mais Mauraz avait envie de réaliser
encore quelques projets chers à ses habitants et ne voulait pas
se laisser absorber par une voisine dans la précipitation et sans
négociation.
La nouvelle municipalité s'est néanmoins engagée
à démarrer une réflexion avec ses habitants et avec
les communes voisines sur l'avenir institutionnel de Mauraz. Car si, dans
l'immédiat, rien ne nous pousse vers un fusion rapide, il est du
devoir d'une municipalité de se projeter dans l'avenir et de rechercher
de nouvelles formes d'organisation.
Rêvons
le futur idéal
Construire
le futur, élaborer des scénarios d'avenir, évaluer
ces scénarios, les communiquer, motiver tous les acteurs à
y participer devrait être la tâche d'un syndic. Malheureusement
à côté des tâches administratives, de la gestion
des réorganisations des services (écoles, actions sociales,
etc.) et des réponses aux multiples exigences et consultations
de l'Etat, il ne reste guère de temps et d'énergie pour
" penser "le futur et pourtant , l'organisation de notre espace
de vie proche mériterait une réflexion à moyen et
à long terme.
Une fusion
entre deux communes dont un des partenaires fait plus de 10 fois le nombre
d'habitants de l'autre, ne nous semble pas une solution, c'est l'absorption
d'une entité communale par une autre, sans réels avantages
réciproques. " Sur le terrain ", notre but n'est pas
d'obéir aux injonctions du canton qui désire voir diminuer
le nombre de communes, même si nous partageons cette analyse. En
tant qu'élus, notre objectif est d'offrir à nos habitants
de meilleurs services et une meilleure qualité de vie.
Au niveau
de notre municipalité, nous sommes convaincus qu'il faut fusionner
les services communaux avec le nombre de communes nécessaires pour
atteindre une taille critique qui permettrait d'engager des professionnels
pour la gestion des dossiers techniques et administratifs : un technicien
capable de gérer les problèmes d'épuration de traitements
des ordures, de contrôle de l'eau, un service social, un corps de
pompiers, un secrétariat et une bourse communale. Autant de domaines
où un regroupement nous ferait gagner en efficacité et en
qualité sans nécessairement coûter plus cher.En
cherchant une telle organisation avec les voisins du cercle, nous pourrions
maintenir et améliorer des services de proximité à
un prix abordable.
Une fois définie
la taille critique et les services à fusionner, la voie serait
ouverte à une harmonisation des taux d'imposition. Des ressources
communes paieraient les services et les infrastructures ainsi regroupés.
Une autre partie des ressources pourrait alors être allouée
aux différents villages et hameaux qui constituent le nouvel ensemble
afin que ceux-ci façonnent de manière autonome et participative
leur cadre de vie. Alors qu'il est difficile de mobiliser une population
pour certains dossiers, il est toujours possible de mobiliser les gens
pour leur environnement immédiat. Avec le brassage des populations
dans nos villages et une occupation du temps fort différente des
temps passés, le moment est venu de définir un nouveau modèle
de participation des citoyens à la chose publique.
Pour Mauraz,
nous sommes convaincus que ses habitants s'intéresseront et se
mobiliseront encore longtemps pour préserver, voire créer
un cadre de vie qui corresponde à leurs aspirations. Le défi
est de savoir comment marier ce dynamisme, cet intérêt de
nos citoyens dans les nouveaux ensembles que nous sommes amenés
à créer. Mener cette réflexion avec les habitants
de Mauraz et avec nos voisins dans notre belle région du Pied du
Jura, telle est la tâche de notre municipalité.
Reto Zehnder
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